Il y a 2 mois explosaient un peu partout en Europe des révoltes paysannes. Le monde agricole exprime enfin, de manière plus visible, son ras-le-bol face au mépris politique et à la difficulté croissante de joindre les deux bouts pour un métier dont la pénibilité n’est plus à prouver.
Les revendications du monde paysan
Le monde paysan s’organise et demande au gouvernement de réagir face à une situation qui n’est plus tenable. Voici les revendications ;
1. Plus de stabilité pour la politique agricole.
2. Diminuer les charges administratives et simplifier les contrôles.
3. Abandonner les 3,5 % supplémentaires de surface de promotion de la biodiversité.
4. Renoncer à l’introduction de DIGIFLUX (réd: une plateforme numérique qui, dès 2025, obligera les agriculteurs à déclarer l’utilisation de produits phytosanitaires, d’éléments fertilisants et d'aliments pour animaux, tels des compléments protéinés destinés aux vaches).
5. Promouvoir la production de denrées alimentaires et renoncer à de nouvelles mesures d’extensification de la production (réd: refus de l'augmentation des surfaces dédiées à la biodiversité).
6. Augmenter les prix de 5 à 10% pour un travail rémunérateur (réd: les prix en magasin).
7. Adapter l’application des mesures liées aux pendillards (réd: le pendillard est un nouvel outil permettant de limiter les projections de lisier lors des épandages, or tous les terrains ne conviennent pas à son utilisation).
8. Conserver des moyens de lutte efficaces contre les maladies et ravageurs dans un contexte climatique en pleine évolution et garantir des médicaments vétérinaires adaptés et innovants garantissant le bien-être animal.
Pression sur les prix et quête de salaires décents
La pression exercée sur les prix a, entre autres, pour conséquence de conduire à la fermeture de trois petites fermes par jour en Suisse au profit de grandes exploitations entretenues à l’aide de gros outils détruisant nos sols et la vie qui s’y trouve.
En Suisse, le salaire d’un agriculteur,trice est financé à 50% par les paiements directs. Nombreux,ses sont celles et ceux qui ne vivent pas de leur production. Alors que les exigences écologiques sont de plus en plus élevées et que le libre-échange conduit à une forte concurrence déloyale, on comprend aisément leur colère.
Le monde paysan demande une augmentation de 5 à 10% des prix des produits alimentaires en magasin dans un premier temps pour aller progressivement jusqu’à 20%. Cette augmentation des prix devra principalement se faire sur les marges de la grande distribution. Cette demande vise à rétablir un équilibre dans un contexte où seulement 7% de notre budget est consacré à l’alimentation contre un tiers il y a 60 ans !
Dilemme écologique
Les revendications liées à la biodiversité soulèvent des questions cruciales (revendications 3, 4, 5, et 8). Les exigences écologiques sont contraignantes en Suisse, ceci dans le but de préserver la nature qui nous entoure et de produire et consommer des aliments sains avec de bonnes qualités nutritives. La politique agricole exige de nos agriculteurs,trices qu’ils respectent ces exigences, mais le libre marché fait que nous importons, d’Europe et au-delà, quantités d’aliments produits à l’aide de phytosanitaires interdits chez nous depuis plus de 30 ans, pour certains et à des prix défiant toute concurrence. Sans parler des conditions salariales ou du respect de l’écologie appliqués dans ces pays exportateurs.
Face à ces aberrations, il est donc facile de comprendre le « on marche sur la tête » qui touche les agriculteurs,trices.
Quel avenir pour notre agriculture ?
La Ferme de Budé soutient ces revendications pour que ce beau métier qu’est l’agriculture permette de vivre décemment et continue d’approvisionner les étals suisses de produits de bonne qualité. Au sein de la Ferme, nous nous questionnons néanmoins sur une plus grande liberté de l’utilisation des produits phytosanitaires ainsi qu’une réduction de la surface pour la biodiversité. Face aux grands bouleversements climatiques qui nous attendent et à l’effondrement de la biodiversité, l’agriculture devrait avoir un rôle positif à jouer. Mais cela ne pourra se faire que si le surcroit d’efforts demandé aux agriculteurs,trices en termes d’écologie est équitablement rémunéré. Les agriculteurs,trices ne peuvent pas produire et faire attention à l’environnement avec des contraintes énormes tout en restant concurrentiel dans un marché libre. Cette équation est impossible ! Notre société doit se poser la question de ce qu’elle cherche.
Pour nous, la réponse est du côté des prix rémunérateurs pour financer le secteur agricole afin que celui-ci puisse travailler dans de bonnes conditions salariales et écologiques.
Pas de sous enchère, ni pour les salaires des agriculteurs,trices, ni pour la nature, ne jouons pas avec la base de notre société !
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